Plusieurs choses peuvent décrire une région ou un territoire. Pour l’Abitibi-Témiscamingue, une des choses à laquelle on est très souvent associé c’est la chanson La Bittt à Tibi de Raôul Duguay. Fréquemment, lorsqu’on parle à une personne de l’extérieur et qu’on lui parle de notre région, ce qui lui vient tout de suite en tête, c’est cette chanson : « Moi je viens de l'Abitibi, moi je viens de la Bittt à Tibi, moi je viens d'un pays qui est un arbre fort, moi je viens d'un pays qui pousse dans le Nord…Tam didelam tadlédidelidelam ». Cette chanson culte québécoise aussi définit comme le cri de ralliement de tous les Abitibiens, peu importe la génération.
Dans ce billet de blogue, je vais d’une part parler de la chanson La Bittt à Tibi et de son auteur Raôul Duguay. Dans une deuxième partie, je vais parler du contexte politique et culturel autour de cette chanson. Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.
La chanson La Bittt à Tibi
D’abord, La Bittt à Tibi est sortie en 1975 dans l’album Alllô toulmônd. Dans une entrevue réalisée avec Raôul Duguay, il m’a avoué, «Quand j’ai écrit ce texte-là (en parlant de la Bittt à Tibi), c’est curieux, mais c’était à la demande du Quartier latin qui est le journal de l’Université de Montréal où j’étudiais qui m’avait demandé un article sur l’économie de l’Abitibi, alors dans les trois couplets de l’Abitibi, tu as le fondement même de toute l’économie de l’Abitibi.» La chanson est venue un peu plus tard que le texte en soit. Il a décidé d’écrire la chanson suite à sa rencontre avec plusieurs musiciens avec lesquelles ils jouaient un rigodon. « À ce rigodon, je suis allé y mettre des paroles.» m’a-t-il dit.
La chanson traite de plusieurs éléments de l'Abitibi, dont la ville de Val-d'Or. La ville fut marquée par une croissance urbaine très rapide, quoiqu'un peu désordonnée. Les gens qui venaient en Abitibi venaient de partout au Québec et de partout dans le monde. Raôul Duguay m’a confié :«Au Nouveau-Brunswick où ils étaient (en parlant de ses parents), ils avaient entendu dire qu'il y avait un Klondike en Abitibi et que, comme je l’ai dit dans ma chanson, ils pensaient qu'il y aurait des poignées de porte en or et que toutes toutes toutes seraient en or. »
Même si Raôul Duguay a quitté l'Abitibi-Témiscamingue aujourd’hui, il se souvient toujours de sa région natale. Il a écrit cette chanson en hommage à son père, sa mère et à tous les colons abitibiens.
Quand le rap et le rigodon se mêlent : La Bittt à Tibi devenu Le Beat à Tibi
En 2006, un rappeur abitibien, Steve Jolin alias Anodajay, originaire de Rouyn-Noranda a repris en duo la chanson la Bittt à Tibi avec Raôul Duguay pour ainsi la remettre au goût du jour en ajoutant du rap dans la chanson. Il la nomme le Beat à Ti-bi. Ce fut un grand moment dans la vie du chanteur. «La collaboration avec Anodajay ç’a été une des plus belles aventures dans ma vie parce qu’il y a maintenant un pont jeté entre deux générations avec un très grand succès. »
L’artiste Raôul Duguay
Raôul Duguay est né à Val-d’Or le 13 février 1939. Il est le septième enfant d’une famille de onze. L’Artiste a été influencé dès l’âge de trois ans par son père qui accompagnait des artistes de passage dans la ville de Val-d'Or. Il essaya dès lors de chanter dans toutes les occasions. Il quitta l'Abitibi définitivement quelques années plus tard pour poursuivre ses études à Chicoutimi et ensuite à Montréal, où il compléta sa vie d’artiste avec celle de philosophe.
Raôul Duguay devient l’un des symboles de la liberté artistique au Québec, il a marqué l’univers de la chanson québécoise par son originalité et il est aussi qualifié de poète inclassable, hermétique et doté d’une simplicité presque enfantine.
Le poète
Raôul Duguay se dit d’être avant tout un poète. On peut se rappeler de la nuit du 27 mars 1970 lors de La Nuit de la Poésie, où il se renomme Raoûl luôar Yaugud Duguay qui pour lui est une repossession de soi-même. Ce nom est présent sur son album Alllô Toulmônd où figure le titre de La Bittt à Tibi. Le poète, avec ses culottes courtes, sa chemise et sa tuque à pois, communique lors de cette fameuse nuit une œuvre de contre-culture. Fidèle à ses habitudes, il fit une forte impression cette soirée-là.
Voyez un extrait de sa présence sur scène à 5 minutes 30 secondes dans la vidéo ci-dessous.
Le réalisateur
Raôul Duguay a aussi joué au réalisateur. Ô ou l’invisible enfant, qui est sorti en 1972 est le premier film de l’artiste. Ce film expose une réflexion tant poétique, sonore que visuelle qui représente la vie de l’artiste dans les trois années précédentes à la sortie selon une vision surréaliste. Dans cette œuvre, il y a une critique sur l’homme moderne qui n’est plus capable de s’émerveiller.
Vous pouvez visionner ce film, sur le site web de l’ONF en cliquant ici.
Saviez-vous que…
Après la sortie de la chanson la Bittt à Tibi en 1975, qui fut un énorme succès, Raôul Duguay a déjà refusé de faire la chanson la Bittt à Tibi en spectacle sous prétexte qu'il n'était pas un Juke-Box. Il ne voulait pas être associé qu'à une seule chanson. C'est ce qu'il explique dans l'article ci-dessous paru dans La Presse en 1978.
Saviez-vous que… La chanson la Bittt à Tibi s’écrit avec trois T. Le chiffre 3 est un élément qui se répète chez l’artiste Raoûl Duguay. Trois pour les accents circonflexes qui désignent en soi un triangle et qui deviennent aussi un symbole unificateur et une sorte d’énergie première pour l’artiste, ou bien pour la lettre L dans alllô, tout comme le titre de la Bittt à Tibi avec trois T.
Ce billet de blogue m’a été inspiré par un ancien projet de Cégep que j’ai réalisé dans le cadre de mon cours d’histoire avec ma professeure Isabelle Lauzon. Toutes les informations de ce billet de blogue sont le fruit de plusieurs recherches et d’une entrevue avec Raôul Duguay lui-même en 2016.